J’ai un grain !
Le 14 août 2019, sur le courant d’Huchet, à l’entrée même de la réserve naturelle de ce site exceptionnel et unique du littoral aquitain, coiffée de ma casquette de molysmologue amateur, j’ai effectué un prélèvement de la pollution dans la laisse-de-mer historique.
Dans la laisse-de-mer
Dans cette accumulation de sédiments organiques déposés là par les vagues, s’échouent aussi tous nos déchets d’origine humaine, essentiellement plastiques.
L’été, des hordes de tracteurs cribleurs ratissent les plages pour ne pas faire mentir la carte postale et son rêve de sable fin. Mais les mailles de la cribleuse sont trop grossières pour capturer les micro-plastiques, inférieurs à 5mm.
A travers les mailles du filet
On distingue :
– les micro-plastiques secondaires, issus de la fragmentation des objets par la photodégradation due aux UV du soleil et par l’abrasion des vagues. Ce sont des fragments anguleux, aux arrêtes accidentées ;
– des micro-plastiques primaires, objets entiers produits ainsi par l’homme. Et à cette taille-là, il s’agit des GPI, granulés plastiques industriels, plus communément appelés « larmes de sirène ».
C’est sous la forme de ces petites perles qui font entre 2 et 5mm que la majorité des plastiques sortent de la raffinerie de pétrole. L’homme en produit 400 millions de tonnes par an. C’est plus que le poids de l’humanité.
Nous produisons et consommons plus d’une humanité de plastiques par an.
Notre addiction au plastique est vertigineuse.
Et quand on perd cette matière première avant même de l’utiliser, par accident quand des cargos perdent des conteneurs en mer ou quand le procédé industriel de la fabrication à la plasturgie, en passant par le transport routier, pêche par négligence, par manque de rigueur, par cupidité, par égoïsme, ce sont des trillions, des décillions, des centillions de ces granulés qui polluent nos rivières, nos fleuves, nos plages, l’océan et l’ensemble du vivant.
L’ennemi #1
Nous sommes là à la source de notre intoxication au plastique. Plus on consommera d’objets en plastiques, plus de ces granulés prendront la mer pour des voyages transocéaniques au risque d’y être perdus. Leur nombre sur nos plages et littoraux du monde entier est incalculable, mais leur présence est avérée partout. En termes d’unités échouées, c’est sans nul doute le 1er tueur en série de l’océan, mais comment le prouver sinon en procédant à des prélèvements témoins.
Le 14 août, j’ai donc prélevé 1m2 de sable sur 5cm de profondeur. Soit 6 litres de sable, tamisés à la passoire de cuisine acier, maille N°18, ouverture 1,2mm. S’en est suivi, à la pince, un tri minutieux et exhaustif des granulés d’un côté et des micro-plastiques secondaires de l’autre. Alors à votre avis, sur 1m2 de plage, quelle densité de pollution se cache sous nos serviettes ?
Seulement 1 m2…
La réponse est dans La Matrice, un tableau d’1m2 identique à la surface du prélèvement.
9800 granulés et je vous laisse compter les fragments… et extrapoler ces chiffres sur les 230 KILOmètres de côte aquitaine, ou sur les 5401 KILOmètres de côtes sableuses françaises, et au-delà…