Frères humains qui après nous vivez,
N’ayez les cœurs contre nous endurcis,
Nous ramassons les déchets échoués,
Et butinons avec parcimonie.
Las, certains usuriers aguerris,
Courent, aveuglés, après un vain profit,
Dilapidant ce qu’il reste de vie,
Au lieu d’en célébrer le génie.
La bête humaine est gavée aux GPI :
Raffineries, transporteurs, plasturgies,
S’abîment obstinément dans le déni
De leur crime organisé impuni.
Quant à nos Etats et ici nos mairies,
Ils ratissent et cachent sous le tapis,
Tout ce que de nous l’océan vomit
Pour que les touristes soient ravis.
Face caméra, tous sourient
Pour un coup de comm’ pourrie
Sacrifiant l’Oikos de l’économie
sur l’autel de l’égonomie.
Que la volonté populaire par la loi les responsabilise,
Que la justice de la nature sinon celle des hommes les neutralise,
Que le buy-cott, grève de la carte bleue, les déstabilise,
Que la carte du cœur et des valeurs les ridiculise.
(merci à grand tonton François Villon et à l’architecture rythmée de sa « Ballade des Pendus », vers 1462, pour l’inspiration)
In extremis, le 12 mars 2020, j’ai eu la chance de caresser un bout de plage à la plume.
L’horizon trempait dans un bleu limpide, l’océan était accueillant, le fond de l’air était anormalement chaud pour un jeudi d’hiver. Tout était anomalie, si ce n’est que les grandes marées des jours précédents avaient comme à leur habitude vomi leur soupe d’excréments plastiques.
A dessein, mon témoignage se borne ici aux micro-plastiques.
Rien n’a été prélevé dans la grosse laisse-de-mer historique, coincée en pied de dune, et dont l’enchevêtrement de débris organiques et macro-déchets plastiques était désespérément inextricable.
Agenouillée devant UNE seule ligne de vague,
en mode expiation obsessionnelle, une plume dans la main droite, une passoire de cuisine dans la main gauche, j’ai gommé, péniblement, 20m de pollution.
20m de linéaire, alors que la largeur de la plage à marée descendante était rayée de plusieurs balafres multicolores, témoignant de l’afflux constant de ces paillettes mortifères. Que le regard se perde au Nord ou au Sud, la Côte d’Argent s’étire sans quasi interruption sur 230 kilomètres du Verdon à Biarritz.
Séparés à la pince de l’ivraie, ou plutôt ici des brindilles de pin, algues, graines de liseron, cailloux et coquillages, 24 000 granulés sur 20 m de plage.
Triés par couleur et nuance, ils ont rejoint ma palette. Et à la façon d’un Seurat un peu pompier ou d’un maître aborigène passé par l’Académie, j’ai réinterprété en granulés le « Jeune homme assis nu au bord de la mer » d’Hippolyte Flandrin, 1836.
Montrer la porosité de nos corps face à ce poison invisible s’imposait.
Travestir sa parfaite plastique avec d’affreux rebuts plastiques m’amusait.
A l’heure des filtres et des selfies, des salles de gym et des cocktails protéinés, le culte de la plastique n’accuse-t-il pas encore nos vanités à vouloir s’ériger au–dessus de la nature ?
« Vanité : souffle fugace, vapeur éphémère… »