Le surf aujourd’hui est trop souvent dévoyé par quelques égoïstes qui ne voient jamais bien plus loin que le nez de leur planche ; qui sont, à grandes giclées de kérosène, d’insatiables mondophages ; qui colonisent les vagues des autres et refusent de partager les leurs ; qui ignorent tout du décor fragile et exceptionnel dans lequel ils évoluent, tout en étant persuadés d’être si proches et si respectueux de la Nature, mais sans jamais sacrifier une session pour venir en prendre soin.
Ce paradoxe heurte profondément la tradition hawaïenne du Kuleana, à laquelle se rattache la pratique originelle du surf. Imparfaitement traduite par « responsabilité », cette notion de nos frères lointains du Pacifique mêle politesse et respect envers les éléments, avec le devoir intime et spirituel d’en prendre le plus grand soin. Car, l’humilité force à reconnaître que nos existences ne font qu’affleurer à la surface de la vie tumultueuse, comme la planche glisse sur la crête des vagues. Nous sommes éphémères, tandis que les vagues, elles, se répètent à l’infini.
L’homme appartient à l’océan, plutôt que le contraire. Il lui doit vie, bien-être et gratitude. Rarement cette tradition du kuleana, ritualisée dans la pratique du surf, ne fut mieux incarnée et popularisée que par Duke Kahanamoku, le premier des watermen, la légende du surf moderne, le champion toutes catégories, des bassins olympiques au sauvetage en mer.
Mais qu’avons-nous fait de son héritage ?
Nous avons adopté le jeu, mais nous avons oublié l’enjeu.
Nos planches plastiques, sur le line-up, sont peu pacifiques.
Nos combis néoprène ne sont pas pérennes.
Et notre empreinte carbone n’est vraiment pas bonne.
Quel regard porterait le Duke sur nos ego-surfeurs ?
Toutes ces larmes de sirène ne seraient-elles pas les siennes ?